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Résidence de vacances, Murol (Puy-de-Dôme)

> Descriptif opération


Entre une forteresse haute perchée sur son piton rocheux et la lisière d’un parc centenaire, Roland Schweitzer glisse une résidence privée qu’il étage dans la pente accentuée. Il créé ainsi un dialogue de vies à vies : les abruptes maisons du village des Puys regardent cette nouveauté de béton clair en terrasses, et, inversement, les appartements contemplent ces pierres d’éternité rurale groupées autour de l’église. Hier, les villageois concentraient leurs regards vers l’hugolienne forteresse seigneuriale, leur ultime espace de survie. En 1973, les nouveaux acquéreurs lui tournent résolument le dos pour jouir d’un point de vue « imprenable » sur la carte postale grandeur nature d’un authentique village auvergnat.

Intervenant dans le site resserré d’un vallon, l’architecte fragmente la perception d’un projet d’une cohérence architecturale affirmée : il découpe le programme en trois blocs contigus de  tailles différentes ; il affirme les strates conjuguées des toits-terrasses et des terrasses ; il ménage des événements poétiques inattendus telle l’entrée sommitale ou souligne des éléments fonctionnels telles les gargouilles scandant les lignes brisées des murs pignons. Ainsi, la résidence Le Pré Long inscrit la modernité au cœur de territoires ancestraux avec une détermination qu’elle partage avec de nombreux équipements de loisirs et de santé construits en France dans les années 1960-1970, l’ensemble constituant l’une des caractéristiques du patrimoine du XXe siècle communes aux différents territoires de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Cette transposition de l’élan d’une époque se conjugue avec un évident savoir bâtir sur des sites en pente.

Caractéristiques de l’existant

Construire dans la pente constitue effectivement un thème récurrent dans les années 1960. Ainsi, la résidence privée du Merlier que l’Atelier de Montrouge implante grâce à la complicité de Louis Arretche au Cap Camarat, face à la Méditerranée (1965), le village de vacances du comité d’entreprise d’Air France que Paul Chemetov et Jean Deroche édifient à Gassin (1970) ou le village de vacances sociales qu’André Wogenscky signe à La Garde-Freinet sont largement présentées dans les revues spécialisées qui évoquent également les travaux des architectes clermontois Faye et Tournaire. Elles résonnent comme l’écho français d’une pratique précédemment illustrée par des agences tel l’Atelier 5 en Suisse, et par Roland Simounet en Algérie (ensemble de logements à Djenan el Hasan, 1958) puis dans les Dom-Tom (résidence universitaire de Tananarive, 1971).

Le contexte de la pente représente sans doute une sorte de Graal pour une profession alors fréquemment appelée à intervenir massivement sur les terrains plats maîtrisés par les promoteurs des ZUP puis par les établissements publics des Villes nouvelles, à l’exception de celle de l’Isle d’Abeau dont les crêtes des escarpements constitueront des supports de conception appréciés par de nombreux professionnels.

C’est effectivement un site en très forte déclivité sur lequel Roland Schweitzer doit implanter les 34 logements du centre familial de vacances qui lui est commandé.

Les années précédentes, il a conçu le centre communautaire du village de vacances du Lac du Gril à Égletons, l’institut médico-professionnel du Domaine d’En Dumes à Lavaur et le centre international de jeunes à Choisy-le-Roi (1969), une école d’infirmières à Paris (1971), le village de jeunes du domaine du Four à Cieux, l’EREA de Bordeaux-Saint-Clair et le centre de formation CEMEA à Caen (1972) et en 1973, outre le Pré Long, il signe à Arêches le centre d’accueil du Hameau des Champs.

Procédure

Cette réalisation prévue pour une fréquentation maximale de deux cents personnes, réunit de petits appartements : cinq studios de 12 m2, onze deux pièces de  26 m2, quatorze trois pièces de 35 m2 et quatre logements de quatre pièces de 59 m2. Chaque appartement pensé comme un gîte de vacances est livré entièrement équipé.

Interventions

Devenue une résidence et étant proche des pôles d’attraction du lac Chambon et de la chaîne des Puys, ces appartements font l’objet d’un marché immobilier actif et ont donc été rénovés par leurs propriétaires successifs. Néanmoins, la disposition du coin repas avec sa banquette de bois suspendue au mur et la dénivellation ménagée entre le logement et la terrasse dont il est généreusement pourvu semblent avoir été le plus généralement conservées.

Bien qu’intervenant dans le contexte d’un site protégé et d’une pente accentuée, l’architecte limite les excavations pratiquées dans le site en concevant des volumes disposés en escalier et rend perceptible sa démarche en décollant du sol le volume des terrasses inférieures, de sorte que la résidence semble ne pas prendre appui sur le pré qui la sépare du parc du Prélong.

Le travail qu’il effectue sur la fragmentation rapproche les volumes de son opération de la silhouette morcelée du château qui la domine.

Ce dialogue à distance que montre les photographies prises lors de la mise en service du centre familial de vacances est à présent atténué par la présence des arbres qui enserrent la résidence.

L’architecture du Pré Long nous permet de mesurer la frilosité qui s’est établie au cours de ces quarante dernières années, la présence d’une telle modernité dans ce type de milieu étant non pas dépassée par des créations contemporaines mais tout simplement décriée et la réalisation d’un équivalent actuel serait sans doute rendue impossible tant de nombreux esprits semblent être entrés en profonde rétrogression. Interpelé par le lecteur d’un journal à propos de la modernité du village du Rouret en Ardèche (voir la Posture Entretenir), l’architecte Hubert Mesnier répondait : «S’intégrer à un site est-ce plagier jusqu’à la fin des temps l’architecture paysanne locale qui était le vrai résultat des besoins, des matériaux et des techniques donc de formes, ou essayer parce que le programme, les besoins, les matériaux et les techniques ont changé d’inventer un autre dialogue avec le site lui-même ?  Quel est le rapport entre une habitation construite il y a deux cents ans pour une famille, des animaux, du matériel et un village de vacances à construire aujourd’hui ? N’est-on pas obligé d’inventer ?  L’architecture, la peinture, la littérature, la vie ne sont-elles pas en permanente évolution avec deux clans : ceux qui logent dans le passé et ceux qui cherchent à inventer. » Cinquante ans après, le risque créatif pris par Roland Schweitzer continue de témoigner de l’esprit d’invention des hommes. Au même titre en son temps que le château qui domine Le Pré Long.

  • Maître d’ouvrage : Non-identifié
  • Architecte : Roland Schweitzer
  • Collaborateur : A Coutris
  • Projet 1967
  • Mise en service 1973

À voir/ À lire

  • « Roland SchweitzeR, un parcours d’architecte » éditions Arsign, 2014
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