Rénover
Prieuré, Lanslebourg (Savoie)

> Descriptif opération


Même situés à 2 000 m d’altitude, les barrages implantés par EDF dans les années 1950/1960 ont fréquemment submergé hameaux et édifices religieux. La disparition de ceux de Tignes et de Serre-Ponçon eut ainsi un retentissement national. Tel est également le cas sur le plateau du Mont-Cenis où le barrage, commencé en 1962 et achevé en 1968, noie des bergeries et l’important Prieuré-Hospice que longe la voie reliant la France à l’Italie. EDF confie en 1964 aux architectes de l’Atelier d’Architecture en Montagne la reconstruction du « village » doublé d’un édifice symbolique rappelant l’établissement religieux et l’histoire de l’aménagement par Napoléon 1er de ce passage transfrontalier ancestral.

Combinant un lieu de culte, un musée et un logement de fonction, l’édifice auquel les architectes ont donné une forme pyramidale n’est accessible que quelques mois de l’année, signe des conditions climatiques rigoureuses du site où il est établi.

Une récente restauration de ses façades et le réaménagement de la scénographie du musée lui permettent de conserver intact l’élan de sa silhouette singulière et d’accroître son attrait pour les automobilistes venus en touristes jusqu’au col du Mont-Cenis, la création du tunnel routier entre la France et l’Italie ayant transformé le col en but de promenade touristique.

Caractéristiques de l’existant

L’étude qu’EDF confie à l’Atelier d’Architecture en Montagne porte sur la cantine du chantier (réalisée puis reconvertie en Maison franco-itaienne du tourisme), sur le plan de masse d’un hameau (non abouti), sur le signe mémoriel aujourd’hui communément appelé « La Pyramide » et sur le poste de contrôle du barrage (réalisé sur la rive opposée du lac).

Au sein de l’Atelier, Philippe Quinquet prend en charge le dossier. Le programme du signe mémoriel distingue quatre éléments : une chapelle pour une centaine de fidèles, le logement du célébrant incluant une chapelle d’hiver pour le célébrant et les pèlerins, un foyer pour une dizaine de pèlerins et un espace muséal napoléonien. L’architecte doit faire exister, dans un panorama embrassant une centaine de kilomètres carrés de pics et de monts, d’eaux et de prairies, un ensemble représentant moins de 630 m2 construits. Dans un tel site, même le barrage en enrochement le plus important de France (14 millions de m3)  paraît petit…

Lilliputien à l’échelle de l’immense paysage, le signe mémoriel s’inscrit dans un environnement bâti inattendu qui, bien que diffus, agrège sur les pourtours du lac époques, typologies, fonctions et matériaux : constructions militaires en pierre tapies dans les alpages (et plus particulièrement le fort de Variselle), vestiges construits en béton du chantier EDF, petits édifices en ciment et en verre liés à l’activité hydroélectrique depuis les années 1930, constructions hétérogènes aux accents 1950 rappelant la circulation des voitures et des camions qui transitaient par le col avant la réalisation du tunnel du Fréjus, chalets d’alpage en lauze et en bois, cafés-restaurants actuels… Rien dans tout cela pour donner le fil conducteur d’une démarche ou en appuyer les prémices, si ce n’est – de façon inconsciente – le cercle parfait du fort de Variselle. Le projet naîtra de sa logique propre.

Rassembler pour exister : en appliquant ce principe, puis en remarquant que les surfaces respectives des différents éléments à intégrer au projet se superposent par ordre décroissant de surfaces, l’architecte définit une forme pyramidale qui s’affirme au cours de trois esquisses successives. L’espace muséal et le foyer des pèlerins occupent la base, le logement de l’officiant le milieu et la chapelle le sommet.

Pour édifier un lieu de culte, il est fréquent d’utiliser une forme géométrique élémentaire et parfaite, tel le triangle, indéformable et symbolisant la stabilité dans le temps et l’espace, celui-ci donnant naissance à une pyramide censée, par ses lignes ascendantes, porter notre regard vers l’au-delà. Cette forme trouve ici une adéquation parfaite avec la géométrie du promontoire sur lequel elle s’enracine et établit une relation constante avec le site, quelle que soit la distance à laquelle le visiteur l’observe. De loin, elle prend la valeur d’un simple cairn, ce repère fait de pierres entassées, disposé à même la terre ou édifié sur la face plate d’un rocher par les marcheurs pour les aider à se situer et à progresser dans les passages incertains ou pour indiquer le but atteint. À mi-distance, elle exprime la présence d’un objet artificiel élaboré par l’intelligence humaine qui, selon l’architecte, l’assimile à une version chrétienne du Chörten tibétain. De plus près, elle dresse son invitation à se rassembler au sein de ses formes franches en se glissant sous sa vêture lisse de béton. Cette capacité à déterminer l’emplacement exact et à dessiner le volume juste dans un tel site, atteste de l’expérience déjà acquise par les architectes de l’Atelier, alors impliqués dans la naissance de plusieurs des grandes stations alpines et signataires de nombreuses constructions dans les Alpes.

Pour exécuter l’édifice pyramidal, Pierre Roger, l’ingénieur de l’entreprise Pegaz et Pugeat, conseille d’employer des coffrages métalliques semi-glissants. Pour assurer la faisabilité économique ce cette forme complexe à exécuter, il définit la combinaison d’une majorité de panneaux de coffrage identiques et de quelques panneaux de dimensions spécifiques. Pour pérenniser la construction en la préservant des fissures que pourraient provoquer les sévères intempéries hivernales, il préconise une précontrainte verticale. Ces deux solutions sont retenues et prouvent leur efficacité puisque l’édifice n’est rénové qu’en 2008, l’opération se conjuguant à une modification de l’espace du musée et une nouvelle scénographie de ses collections.

Procédure

Deux appels d’offres sont successivement lancés en 2007. Les architectes Louis et Périno emportent la rénovation de l’édifice, et le studio Alexandco la scénographie.

Interventions

Dès ses premiers mois de fonctionnement, l’édifice présente des défauts d’étanchéité, notamment lors des pluies fortes que des vents violents projettent contre les façades et les fenêtres de l’église et de l’appartement.  En 1969, le Chanoine qui occupe ce dernier le juge « coquet et confortable avec une vue imprenable», mais affirme y recueillir plusieurs dizaines de litres d’eau à chaque chute de pluie… Plusieurs fois traité, le phénomène persiste au fil des décennies… Moins préoccupant mais nuisant à la perception du dépouillement plastique de la forme du bâtiment, un lichen de teinte rouille se fixe et se développe sur le béton…

Par ailleurs, le musée napoléonien confié dès 1960 à l’Association des Amis du Mont-Cenis  affine la définition de son contenu et de sa forme entre la présentation des souvenirs mobiliers de l’ancien Prieuré (en partie initialement entreposés dans l’église), l’évocation des modes de franchissement successifs du col, les aménagements de la route et des refuges par Napoléon 1er, les projets architecturaux liés aux mode de franchissement ou au marquage symbolique du lieu… Les questions de contenus et de formes conduisent à se poser celle de la surface nécessaire à la présentation et à la valorisation du plus haut musée de France. Initialement limité à une pièce d’un peu moins de 120 m2 et à une réserve attenante de 20 m2 où le documents semblent avoir été sobrement disposés sur les murs puis placés sur les présentoirs d’une structure métallique tubulaire composant une succession de triangles, le musée s’est étendu à l’ensemble du rez-de-chaussée et son espace a gagné en fluidité par la suppression de cloisonnements.

Dans la salle principale, le scénographe Alexandco a disposé de grandes arches dissymétriques, en écho aux strates du paysage, qui guident les pas et le regard vers la vue sur la retenue du barrage afin de rappeler que l’histoire présentée possède une relation à la submersion. Dans les autres salles, des blocs gris bleutés reçoivent les supports d’information multimédias comme autant de balises spatiales.

Le tunnel du Fréjus et demain celui emprunté par la ligne à grande vitesse Lyon-Turin accentuent le statut de but d’excursion estival de ce signe abstrait mais intensément humain.

BÂTIMENT INITIAL
  • Maîtrise d’ouvrage : EDF
  • Architecte : Atelier d’architecture en Montagne
  • Architecte responsable du projet  au sein de l’Atelier : Philippe Quinquet
  • Ingénieur : Pierre Gros (Pegaz et Pugeat)
  • Fresque (1993) : René-Maria Burlet
  • Terres cuites (1968) : Ève Henrioux
  • Gros œuvre : Pegaz et Pugeat
  • Meniserie : Charvoz et Simon
  • Chauffage, plomberie, sanitaires : Felter et Compagnie
  • Electricité : Blanc
  • Commande 1964
  • Contrat de maîtrise d’œuvre, esquisses : 21 décembre 1965
  • Chantier : 1967
  • Consécration de l’autel : 27 août 1968
RÉNOVATION DE L’ÉDIFICE 2007
  • Maîtrise d’ouvrage : Ville de Laslebourg
  • Maître d’œuvre : Louis et Peino
  • Interventions sur les bétons : Martoïa btp
SECONDE REFONTE MUSÉOGRPAHIQUE  2007/2008
  • Maîtrise d’ouvrage : Ville de Lanslebourg
  • Scénographe : Alexandco
À voir/À lire
  • « Guide Rhône-Alpes de l’architecture de XXe siècle », URCAUE Rhône-Alpes et Picard éditeurs, 2004, p.255
  • Site web de l’agence en charge de la scénographie : www.alexandco.fr
  • Site des archives départementales de Savoie où est déposé le fonds de l’Atelier d’architecture en montagne : www.savoie-archives.fr
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