Rénover
Piscine, Lyon (Rhône)

> Descriptif opération


Présenté comme le plus grand d’Europe lors de son inauguration, cet équipement illustre l’ambition de la municipalité gaulliste d’accueillir les Jeux Olympiques d’été de 1968. Louis Pradel entendait ainsi contrebalancer l’aura de Grenoble, organisatrice en février de la même année des Jeux Olympiques d’hiver, mais surtout fer de lance des nouvelles formes de gestion municipale prônée par le Parti socialiste unifié (PSU) via les Groupes d’actions municipales (GAM) incarnés par le maire de Grenoble, Hubert Dubedout.

Cette réalisation témoigne également de l’action des pouvoirs français dans les années 1960-1970 pour développer la natation par le maillage du territoire avec des équipements nouveaux puis des modèles industrialisés via l’opération dite des « Mille piscines », que populariseront les modèles Tournesol et Caneton, diffusés chacun à plusieurs centaines d’exemplaires.

Intérêt

La piscine du Rhône constitue un édifice étonnant où la modernité, encore empreinte du classicisme issu des enseignements d’Auguste Perret et de Tony Garnier, se trouve associée au lyrisme d’architectes tels Eero Saarinen et Oscar Niemeyer ou d’ingénieurs tel Pier Luigi Nervi. Mais, cette image lyonnaise de référence a pour auteur un architecte local, Alexandre Audouze-Tabourin, dont la carrière reste aujourd’hui encore mal connue.

La rénovation récemment conduite a donc concerné un complexe nautique hors norme par sa taille, par sa singularité esthétique et constructive comme par sa proximité avec un fleuve dont les crues sont célèbres et enfin par son emplacement au cœur d’une capitale régionale de dimension internationale.

Caractéristiques de l’existant

Le centre nautique s’organise selon un plan masse symétrique : les deux aires de natation sont disposées de part et d’autre d’un bâtiment central, dimensionné pour être simultanément fréquenté par plusieurs milliers de personnes.

L’édifice central associe une composition classique et les prémices de la modernité des années 1960. Il affiche ainsi l’ordonnancement rigoureux d’un édifice public à l’élan lyrique couramment réservé dans les années de l’après Reconstruction aux aérogares ou aux monument exceptionnels.

Seul volume visible, le bâtiment central est édifié sur deux niveaux. Au niveau du quai Claude Bernard sont regroupés l’accueil, un espace de réception, un restaurant et une généreuse terrasse couverte. Au niveau du fleuve sont disposés les casiers et les vestiaires, les douches et les sanitaires ainsi que les installations techniques.

Au seuil des années 2000, le constat est contrasté : la  construction en béton a bien résisté à l’usure du temps mais l’entretien courant n’a pas réussi à maintenir en état les parties collectives intérieures, les plages et les gradins extérieurs. L’équipement propose une fonctionnalité générale intéressante, des dispositifs marquants dont son escalier intérieur monumental, ses mâts cylindriques et ses six grands portiques qui tendent un voile de béton protégeant la terrasse extérieure, mais ses installations techniques sont insuffisantes et ses installations pratiques vétustes.

La dégradation des conditions d’usage survenue au fil des ans, l’ouverture exclusivement estivale, la pression de la fréquentation certains jours d’été, la présence en centre-ville d’un bâtiment auquel ne s’attache apparemment aucune valeur particulière de patrimoine architectural, l’évolution des piscines vers des pratiques ludiques constituent autant d’éléments qui devront être surmontés pour que ce centre nautique puisse passer du statut d’édifice problématique à celui d’équipement phare.

Procédure

Attachée à la valeur symbolique de la piscine du Rhône, la population semble favorable à une rénovation bien que les maires successifs de Lyon et la presse locale, qui relaie leurs propos, aient alternativement plaidés pour la suppression des mâts, pour la couverture des bassins de natation afin d’assurer un fonctionnement hivernal, voire même pour une destruction puis une reconstruction totale. Mesurant cet état de l’opinion, supputant la difficulté de faire admettre un projet contemporain dans un site aussi sensible et évaluant les dépenses des différentes solutions, la Ville étudie et lance finalement une réhabilitation complète du centre nautique. Elle organise pour cela une compétition remportée par Atlas architectes, l’agence qui a notamment rénové la piscine conçue par André Wogenscky à Firminy.

Interventions

Les différents bassins extérieurs sont adaptés soit, aux désirs des pratiquants réguliers de la nation, soit à ceux des loisirs ludiques et familiaux. Un bassin de mise à l’eau et son sas permettent désormais l’utilisation hivernale du bassin olympique grâce à une eau maintenue à 28°. Les conditions d’accueil du public sont revues et des bureaux créés pour faciliter le travail des employés et des maîtres-nageurs. Les vestiaires, les douches, les sanitaires et les parcours d’accès aux plages sont entièrement repensés, leur confort radicalement transformé et leur nombre augmenté bien qu’ils prennent toujours place dans l’enveloppe initiale. Un espace de réception est créé en relation avec la terrasse protégée par l’ample auvent qui donne à cette architecture son expressivité propre. Autre signe marquant, les quatre mâts retrouvent leur fonction d’éclairage. Leur renaissance résume le travail considérable effectué sur les installations techniques presque toutes logées dans des espaces préexistants. L’intervention des architectes se caractérise donc par une triple action : restaurer l’édifice ; intégrer dans l’organisation générale du plan de masse et aux volumes existants les exigences actuelles d’accueil, de confort, d’hygiène, de sécurité ; modifier certaines fonctionnalités et installer de multiples équipements techniques liés notamment à la recherche de la performance énergétique. Sont ainsi conjuguées la rénovation des bassins, l’amélioration des conditions d’accueil et de travail, la mise en conformité des installations techniques.

Le caractère aqualudique et familial de la partie amont (nord) du centre nautique est affirmé. Côté Rhône, un espace de détente est créé et une aire de jets d’eau installée. Côté quai haut, au pied des gradins rénovés, une longue pataugeoire combine des îlots et une succession de jeux. Entre cet espace et le bâtiment, le bassin existant est carrossé d’inox et divisé en deux lignes parallèles. La première, destinée aux enfants, est traitée en espace de natation de faible profondeur. La seconde associe un toboggan à plusieurs couloirs, une rivière à courants et une succession de « salons » aux formes courbes dédiés aux bains bouillonnants et aux jets hydromassants.

Situé en aval du bâtiment, le bassin de compétition voit son caractère sportif permanent affirmé : son eau chauffée à 28 degrés le rend utilisable l’hiver. Pour cela, un bassin de mise à l’eau et un sas sont créés dans le bâtiment. Afin de limiter les déperditions d’énergie, une bâche pourra y être déployée partiellement le jour (utilisation en configuration bassin de 25 m) ou totalement (heures de fermeture et nuit).

Le bâtiment principal est rénové : l’accueil est requalifié et l’espace pouvant accueillir un restaurant rétabli. Un cloisonnement vitré maintient la relation visuelle entre l’entrée et le centre-ville établi sur la rive opposée du fleuve. Une légère avancée de la façade côté Rhône permet de dégager les surfaces nécessaires aux bureaux du personnel et à un espace de réception mis en relation avec la terrasse grâce à des baies escamotables.

Également restauré, l’escalier monumental conduit aux vestiaires et aux blocs de casiers individuels, aux douches et aux sanitaires dimensionnés pour 1 700 personnes présentes simultanément sur le site. Ils se sont substitués aux anciens équipements au prix d’un travail extrêmement précis sur leur implantation dans les volumes préexistants. Les accès directs aux plages ont été agrandis, ce qui a imposé de restituer partiellement les grands bossages géométriques exécutés en béton caractérisant le pied des façades côté Rhône et du mur côté quai haut.

Les installations techniques ont été revues pour être mises aux normes mais aussi pour innover dans le traitement de l’eau et réduire la consommation d’énergie, notamment par une pompe à chaleur alimentée par les eaux de la nappe d’accompagnement du Rhône. Plus complexes mais aussi plus complètes, ces installations ont trouvé place dans les volumes existants et dans une galerie créée sous le trottoir du quai Claude Bernard.

L’investissement de 29 millions d’euros doit donner une nouvelle dimension à ce centre nautique désormais accessible toute l’année et en soirée, potentiellement ouvert sur l’extérieur grâce à la programmation d’un restaurant offrant un point de vue unique sur le fleuve et la ville, qui est susceptible de s’étendre aux beaux jours sur la terrasse.

Il constitue également l’opportunité de créer des locaux confortables pour le personnel et de rénover ceux des maîtres-nageurs, d’offrir une buvette, quelques sanitaires en partie nord et de ménager un accès pompiers à partir de la promenade établie sur la berge du fleuve.

La réhabilitation révèle tout le potentiel d’attractivité et d’évolutivité d’un tel équipement dès lors que l’on ne pose pas le postulat que seules sont valables les réponses conformes à la mode, forcément passagère.

  • Architectes : Alexandre Audouze-Tabourin (1962) et Atlas architectes (2015)
  • Maître d’ouvrage : Ville de Lyon (1962 et 2015)

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