Reconvertir
Musée des fabriques de dentelles, Retournac (Haute-Loire)

> Descriptif opération


L’annonce de la mise en vente aux enchères des bâtiments et de l’entier contenu d’une fabrique de dentelles, la vigilance d’un chercheur de l’Inventaire, la mobilisation constante des acteurs locaux, départementaux, régionaux et nationaux, et la conjonction des énergies conduisent à créer un musée intimement lié à l’histoire humaine, professionnelle, technique et commerciale de cette commune proche du Puy-en-Velay.

Une seconde acquisition immobilière permet d’envisager son implantation au cœur du bourg. La programmation intègre une médiathèque à l’ancienne fabrique et lui adjoint une extension pour les activités d’accueil et d’expositions temporaires.

Cette dernière prend la forme d’une greffe résolument contemporaine, aux formes dynamiques et aux espaces lumineux, jaillissant de l’ancien bâtiment, brun et rugueux.

Le musée propose un concentré du fascinant ensemble d’archives, de modèles, d’œuvres et de machines lié à la production manuelle et manufacturière des différents types de dentelle, réuni à l’occasion des deux acquisitions, complétées par divers achats dont celui d’une collection privée.

Soumis aux aléas des échéances électorales, ce pivot concrétisé d’un projet de redéveloppement économique local par le tourisme, connaît les vicissitudes des alternances électorales fondées sur l’opposition aux projets. L’un des scrutins suivants permet à un autre Conseil municipal de renouer avec une perception dynamique de ce potentiel et de l’engager dans une nouvelle vitalité.

Descriptif de l’opération

En deux acquisitions successives, la Ville devient propriétaire d’anciennes manufactures. En 1994, elle achète une partie du site de la société Auguste Experton, soit les murs de la fabrique et son entier contenu demeuré en l’état depuis la cessation d’activité en 1970. Quatre ans plus tard, en 1998, elle acquiert, au moment de sa cessation d’activité, les murs et le contenu de la société Claire Experton. Elle maîtrise ainsi les lieux indispensables à la conservation et à la présentation d’une collection de plus 500 000 « objets », catalogues, dessins originaux sur calques de modèles (10 000), échantillons (100 000), dentelles liées à la mode, au linge de maison, à l’usage liturgique, auxquels s’ajoutent des meubles et des machines, les archives commerciales et comptables, pour différentes périodes allant de 1810 à 1970…

À l’origine de la constitution de ce véritable trésor, Bruno Yvert, chargé d’études à l’Inventaire de la DRAC Auvergne, sait mobiliser les énergies pour surseoir à la mise en vente des locaux d’Auguste Experton par ses héritiers. Il convainc la municipalité successivement dirigée par Hubert Dagnaud,  Pierre Maurige et Jean Delolme, d’engager l’acquisition de ces biens. Il entreprend alors de consolider l’intérêt de cette collection par des expertises ouvrant à un inventaire complet, de définir un projet muséal original, de mettre en synergie les institutions pour dégager des financements, notamment du Fonds européen de développement régional (FEDER) et entreprendre d’autres acquisitions.…

Après la validation du projet scientifique et culturel début 2002, la réalisation d’une étude de programmation effectuée par Jacques Lichnerowicz (agence BL), toujours en 2002, l’intégration d’une médiathèque au projet,  l’appel à candidature auprès des architectes est lancé en janvier 2004. Cinq équipes sont retenues pour présenter un projet : Mauger-Besançon, Combarel-Marrec, Fabre-Speller, Claude Tautel. Ce dernier, emporte la décision du jury. Il est assisté d’Eric Javelle et de Binba Baitel, et est associé au scénographe Franck Fortecoeff (le Scénoscope) et à la paysagiste Claire Bigot.

Intérêt

Porté par une petite commune frappée par la disparition de son substrat industriel, ce projet est pensé non en termes de simple création d’un musée mais comme un outil de développement culturel, scientifique, touristique et économique. En ce sens, la construction ne constitue que la première étape de la stratégie élaborée par Bruno Yvert qui deviendra le premier directeur du musée. Le succès de celle-ci repose toutefois sur un quadruple pari : le maintien à long terme de cette vision stratégique et des étapes de sa réalisation par l’ensemble des acteurs ; la mobilisation durable des structures concernées par l’approfondissement des savoirs liés à la collection et à ses extensions ultérieures ; la croissance de la fréquentation du musée du fait du seul impact de la mise en réseau des différents points d’intérêt touristiques départementaux et non de campagnes de communication nationales ; l’adhésion des acteurs économiques locaux pour créer les infrastructures de restauration et d’hébergement correspondant aux standards actuels mais aussi pour soutenir l’évolution du musée par des actions de mécénat. Le rêve enthousiasmant d’implantations industrielles spécialisées dans le textile haut de gamme et les Arts de la Mode est même, un temps, caressé…

Caractéristiques de l’existant

Le concours d’architecture comporte deux volets. Le premier concerne la mise en sécurité technique et pratique des locaux de la fabrique Auguste Experton et l’aménagement de réserves pour l’ensemble des collections. Le second porte sur la reconversion/extension de la fabrique Claire Experton pour qu’elle puisse accueillir, sur 1 000 m2, le musée des fabriques de dentelles et la médiathèque René Garnier. Alors que la première se glisse sobrement dans le tissu villageois, la seconde, roide et massive, est campée sur le coteau qui domine la Loire. Elle attire d’autant plus l’attention que Claude Tautel l’a dotée d’une extension aérienne et légère, combinant de façon inattendue proscenium et fenêtre urbaine, dilatant les vides pour mieux donner leur exacte présence aux pleins… les dotant d’une stricte géométrie pour mieux exalter la souplesse de la matière.

Procédure

L’ancienne fabrique, forte de ses quatre niveaux et de ses façades en pierre aux percements irréguliers, soulignés par des briques, est demeurée extérieurement inchangée : certaines de ses fenêtres ont reçu un filtre coloré et un escalier de secours a été rapporté sur son pignon Est. Sur le pignon Ouest de ce bloc minéral chargé d’histoire, Claude Trautel a dressé une ode à la légèreté, à la lumière et à l’art de la promenade. Profitant de la déclivité du site et du retrait de la fabrique par rapport à la rue, il a étiré à partir de celle-ci et jusqu’aux limites de la déclivité plongeant vers la gare et son réseau de rails, une esplanade s’achevant en belvédère sur la Loire, le bas du village et les monts environnants. Cette simple horizontale signifie le changement de statut du site, de l’industrie aux loisirs, de l’activité à la contemplation, de la contrainte des horaires au temps retrouvé…

Elle structure également le programme de l’extension. Elle constitue le toit du pôle accueil situé à rez-de-chaussée et elle donne accès à l’ascenseur et à l’escalier conduisant à la médiathèque. Ces deux circulations verticales sont articulées à la passerelle intérieure du musée, intégralement vitrée et protégée du soleil par une résille, mettant en relation l’extension et la fabrique tout en mettant concrètement à distance les registres architecturaux ancien et contemporain.

Du pôle accueil, largement ouvert sur le paysage par des vitrages toute hauteur, on descend à la salle des expositions temporaires implantée à rez-de-jardin. De là, on rejoint l’ancienne fabrique où sont successivement présentés les différents modes de production des dentelles (rez-de-jardin), l’assemblage des dentelles (rez-de-chaussée) et les collections de dentelles sous vitrine (étage). Entre machines de production, tables d’assemblage et vitrines, la muséographie met en scène l’univers de ce type de production, entre produits courants et pièces exceptionnelles,  tout en laissant sans cesse paraître les dimensions humaines de la production artisanale, de la fabrication industrielle, de la création et de la diffusion de celle-ci dans le monde entier…

Interventions

Le signal de renouveau établi par l’extension architecturale du bâtiment ne s’est pas concrétisé durablement. Objet d’un affrontement électoral entre les porteurs de ce projet et ses détracteurs, victorieux, l’équipement a été mis en sommeil, son directeur remercié, ses collections non valorisées… Si bien que les efforts à accomplir par la nouvelle municipalité pour retrouver l’ambition d’origine sont considérables.

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