Rénover
Maternelle, Aix-les-Bains (Savoie)

> Descriptif opération


Comme glissé subrepticement dans un espace retiré bien qu’appartenant au centre-ville, représentant une esthétique en rupture avec l’architecture régionaliste, ce petit bâtiment s’était vu extérieurement et intérieurement infligé une série d’outrages. Son apparence pitoyable, ses inadaptations fonctionnelles ajoutées à ses déficiences sanitaires, acoustiques et thermiques auraient dû le conduire à la démolition. Le regard attentif de professionnels lui permet de répondre après rénovation aux exigences de fonctionnement et d’exploitation actuelles, d’offrir aux jeunes enfants et à leurs instituteurs des locaux séduisants et aux habitants de la ville de conserver un édifice patrimonial significatif.

Intérêt

La rénovation confiée à icmArchitectures marque une nouvelle étape dans la vie de cet équipement collectif témoignant de l’application locale de l’une des premières politiques sociales nationales en faveur de la petite enfance à travers « La Goutte de lait ». Dès les années 1920, cet organisme diffuse auprès des mères de famille des connaissances scientifiques nouvelles en matière de nutrition des nourrissons. D’où son association ici à une crèche-garderie. Ces deux fonctions coexistent au sein d’un édifice qui exprime son époque en épousant le style épuré des années 1930. Il constitue aujourd’hui un élément significatif du patrimoine architectural du XXe siècle d’une ville qui, du fait de sa vocation thermale, possède de beaux exemples d’équipements, d’immeubles et de villas exprimant les styles successifs du XXe siècle dont l’Art déco qui caractérise notamment les Thermes, le Centre nautique et le Théâtre de verdure.

Caractéristiques de l’existant

Le bâtiment social primitif associait un centre de consultation des nourrissons et une crèche. Il a été affecté en totalité à une école maternelle dès 1938, évolution qui traduit l’orientation hygiéniste de la décennie puisqu’il est proposé d’installer un solarium sur le toit-terrasse. L’école a elle-même fait l’objet d’adjonctions et de modifications qui ne l’ont toutefois pas altérée de façon irréversible.

Trois quarts de siècle plus tard, une opération de rénovation permet de remodeler entrée, cours et abords, de redécouvrir les espaces intérieurs et de les adapter à la perception spatiale des enfants, de doter chaque classe d’un volume singulier, d’introduire des éléments d’identification ludiques intérieurs et extérieurs, diurnes et nocturnes mais aussi de supprimer des nuisances sonores et d’éradiquer les dégagements de radon provenant du sous-sol.

Procédure

Une consultation sur la base d’un diagnostic et d’une méthodologie d’intervention est organisée par la ville, maître d’ouvrage. La proposition d’icmArchitectures est retenue car elle restitue l’esprit du bâtiment, améliore le confort d’usage, et apporte des mètres carrés supplémentaires par le décaissement de locaux semi enterrés.

Interventions

La réhabilitation met en synergie quatre grands types d’intervention.

Le retraitement des espaces extérieurs s’attache à protéger les enfants et leurs parents de la circulation automobile par le déplacement de l’entrée, à assurer l’accès aux personnes à mobilité réduite par la création d’un jeu de rampes exploitant la forte dénivellation du terrain, et à offrir aux enfants une cour de récréation généreuse, à laquelle se substitue pendant l’hiver la salle de motricité qui la prolonge.

L’intervention sur les façades élimine les adjonctions parasites – dont une véranda –  pour restituer l’esthétique  du bâtiment d’origine. Ce choix implique de rejeter les solutions d’isolation par l’extérieur telles qu’elles se généralisent même, lorsqu’elles sont contraire à la préservation des qualités architecturales d’un édifice et de disposer l’isolation thermique à l’intérieur du bâtiment. Les façades sont alors simplement restaurées. Cependant et sans nuire à ce respect de l’esprit architectural initial, des éléments horizontaux colorés sont introduits au sein de la façade. Ils possèdent une double vocation : ils jouent le rôle d’un brise-soleil mais fonctionnent également comme des réflecteurs projetant la lumière naturelle dans les différentes salles de classe. Grâce au système d’éclairage dont ils sont dotés, ils signalent l’école le soir d’une suite de signes toniques qui déjouent l’austérité relative des lignes de l’architecture et l’égayent. Leur présence est renforcée par l’adjonction ponctuelle de trois volumes également colorés, enchâssés dans les baies, établis à la lisère du dedans et du dehors, offrant aux enfants un espace préservé entre belvédère protégé et cabane urbaine.

Mettant à profit la structure simple de l’édifice composée de poutres et de poteaux d’une portée généreuse et la grande hauteur entre planchers, les architectes offrent à chaque classe une volumétrie spécifique combinant de réelles différences de hauteur et des cloisonnements irréguliers. C’est une perception différenciée de l’espace qui est ainsi offerte aux personnels enseignants et aux enfants, ces derniers étant progressivement conduits à ressentir que l’espace construit ne se réduit pas inévitablement à un parallélépipède simple. Dans le même esprit d’adaptation de l’architecture aux perceptions sensorielles des enfants, certaines fenêtres s’abaissent jusqu’au sol. Et les espaces habituellement sans âme que constituent les couloirs et l’escalier central sont ici métamorphosés par le développement d’un ample origami rouge, astucieusement réalisé en plaques d’isolant phonique suspendues à des filins, de sorte qu’elles puissent suivre la pente en se chevauchant ou en se rapprochant. Cette façon ludique de traiter un espace habituellement neutre se prolonge dans la solution mise en œuvre pour isoler phoniquement l’escalier central qui formait une cage de réverbération des sons : il est encloisonné à l’aide de  plaques d’un matériau de synthèse offrant des couleurs aussi vives que celles des berlingots.

Enfin, la rénovation a constitué l’opportunité de régler le problème de radon détecté dans les locaux, d’isoler le bâtiment par l’intérieur, de diminuer les besoins en chauffage, notamment en changeant les huisseries, en diminuant le volume des salles de classe et en supprimant les ponts thermiques.

Architectes : M. Crochon (1933) et icmArchitectures (2011)

Maître d’ouvrage : Ville d’Aix-les-Bains (1933 et 2011)

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