Reconvertir
La Poste, Le Puy-en-Velay (Haute-Loire)

> Descriptif opération


En 1936, l’un des architectes français les plus connus de l’entre-deux-guerres achève la construction de la Poste principale du Puy-en-Velay. Contre l’église Saint-Pierre des Carmes, vis-à-vis de La Coupole, l’immeuble érigé par Achille Proy et en contrebas du square de Lattre qui le sépare de la gare, le nouvel équipement fait face au centre-ville historique. À cet environnement architectural, urbain et altimétrique complexe, Michel Roux-Spitz apporte une réponse sereine : l’immeuble de trois niveaux courbe sa façade équilibrée à l’intersection des avenues de la Dentelle et Charles Dupuy. Soulignée par des marches  semi-circulaires et un auvant aux lignes horizontales stratifiées, l’entrée du hall s’encastre dans cet arrondi. Les hautes baies vitrées expriment en façade les espaces techniques. Des fenêtres plus modestes correspondent aux bureaux, tandis qu’au niveau du trottoir des soupiraux signalent une mise à profit partielle de la déclivité du terrain. Deux cent cinquante personnes y travaillent au début des années 1970, la réorganisation nationale de l’entreprise et la création en 2010  dans le village voisin de Taulhac d’une plateforme de distribution du courrier conduit La Poste à ne conserver que les locaux du rez-de-chaussée et à céder l’ensemble des autres surfaces à un promoteur indépendant, Vincent Gibert. Ce dernier vise le marché immobilier local haut de gamme : il confie à l’architecte Philippe Boudignon la  création de trente-trois appartements vendus à des particuliers et d’un ensemble bureaux dont prend possession l’antenne départementale du CNFPT, l’organisme de formation des personnels de la Fonction publique territoriale.

Caractéristique de l’existant

L’immeuble d’angle et le volume qui le complète en retour sur l’avenue de la Dentelle, tous deux signés par Michel Roux-Spitz ont fait l’objet d’une extension en 1973, si bien que La Poste occupe à partir de cette date un îlot complet enserrant une cour carrée à laquelle on accède par une faille ménagée dans la petite rue latérale, la rue Calemard de Lafayette.

Cette Recette principale est à la fois exemplaire de la recherche d’équilibre des volumes et du dépouillement de l’écriture architecturale de Michel Roux-Spitz. Elle illustre un emploi du béton plus rare chez lui qui était un ardent partisan de la pierre agrafée et d’autant plus remarquable qu’il s’agirait du premier béton auto-lavable mis en œuvre en France. Elle révèle aussi l’acceptation par l’institution postale, par les administrations, par les élus et par la population d’une expression contemporaine à proximité immédiate d’une architecture religieuse datant du XIVe siècle, devant un square et face à un immeuble signé trois décennies plus tôt par cet architecte emblématique de la ville que fut Achille Proy.  Au-delà, elle matérialise la présence régionale d’un architecte né à Lyon, signataire de la direction régionale des PTT,  de la salle municipale des fêtes de Croix-Rousse, de l’école et du dispensaire dentaires de cette même ville et auteur d’un projet non réalisé de reconstruction de la gare de Perrache. Elle renvoie également à l’intervention de grandes signatures pour édifier ces bâtiments complexes car intégrant les appareils de la télégraphie, les matériels en permanente évolution d’une téléphonie en croissance exponentielle, d’un tri postal en cours de mécanisation, des logements pour des employés et pour le directeur, des espaces d’activités syndicales et de services sociaux et une cantine. Raymond Adda à Lyon – Croix-Rousse, Louis Arretche à Bourg-en-Bresse, Léon Azéma à Vichy ou André Chatelain à Thonon-les-Bains signèrent ainsi des édifices emblématiques. Elle manifeste enfin la dissémination de ce service public sur l’ensemble du territoire et les vagues de constructions modernistes qui marquent les années 1930 puis 1950-1970 avec des réalisations en Région Auvergne Rhône-Alpes aussi diverses que celles d’Aix-les-Bains, de Saint-Galmier, d’Annonay, de Roanne, de Firminy d’Évian-les-Bains, de Cusset, de Grand-Croix ou de Sallanches, où le bureau des PTT s’édifie seul ou dans la continuité de la mairie ou de la perception.

Procédure

Le site devient trop vaste pour les besoins de l’entreprise La Poste en profonde mutation. L’acteur local de l’immobilier, auquel il est partiellement vendu de gré à gré, définit un programme de trente-cinq logements de standing, généreux en volumes, en surfaces et en terrasses, complétés par des caves et des parkings, programme associé à la création de 300 m2 de bureaux, La Poste conservant des locaux en rez-de-chaussée.

Rebaptisée Le Patio des Carmes, cette opération illustre une double situation : la cession accélérée de leurs biens immobiliers par l’État et les organismes qui assuraient des missions de service public, et la volonté des élus du Puy-en-Velay de favoriser la reconversion du patrimoine industriel, et tertiaire des deux derniers siècles comme levier de la revalorisation du parc immobilier local.

Interventions

L’opération du Patio des Carmes conjugue la reconversion de locaux existants et une surélévation générale assurant la rentabilité financière du projet.

Au sein des volumes existants, la forte hauteur sous plafond (5,20 m) des anciens espaces techniques et la dimension des baies vitrées (3,45 m de haut) permet de disposer vingt-quatre appartements avec mezzanine, dont l’esprit s’apparente à celui des ateliers d’artistes ou des lofts.

Reliés à l’ancien niveau supérieur de l’édifice, les nouveaux volumes en surélévation permettent de créer  des logements en duplex, organisés en inversant l’usuelle répartition jour/nuit puisque les chambres se situent au niveau inférieur et les pièces diurnes au niveau supérieur afin de bénéficier le plus largement possible de la vue panoramique sur la ville. Véritable maisons sur les toits, ils proposent des espaces habitables de 110 à 200 m2, prolongés par des terrasses de 23 à 110 m2, et traduisent une utilisation adroite du retrait des volumes bâtis en surélévation rendu obligatoire pour qu’ils ne s’imposent pas aux regards depuis la rue. Et comme telles, ces maisons sont desservies par un ascenseur privatif.

Pour procéder à ces adjonctions sur l’ensemble des 1 400 m2 de toits-terrasses préexistants, l’architecte – Philippe Boudignon – recourt au bois et au métal en raison de leur faible poids.

Appartements et bureaux étant desservis à partir d’un ascenseur commun, les passerelles permettant de gagner leurs entrées respectives seront également conçues à partir de ces deux mêmes matériaux. Traversant l’espace de la cour intérieure à plusieurs niveaux, elles génèrent des chevauchements visuellement complexes, figure optique qui n’est pas sans évoquer les gravures de Piranèse.

Les locaux du Centre national de formation des personnels territoriaux s’organisent autour des salles modulables qui sont essentiellement des espaces de formation professionnelle et des bureaux de l’antenne locale de l’organisation.

Pour l’ensemble des adjonctions, les modalités d’intervention reflètent la doctrine des monuments historiques : rendre évidentes les interventions récentes. Ainsi le bardage métal des volumes ajoutés et le métal des garde-corps des terrasses se distinguent fortement du béton de l’édifice dessiné par Roux-Spitz. Cette préoccupation rend plus difficilement concevable les moments où, l’attention se relâchant, laisse une cage d’escalier mal pensée détruire l’harmonie visuelle préexistante au sein d’une façade vitrée et des parpaings occulter très brutalement d’anciennes ouvertures…

ÉDIFICE D’ORIGINE
  • Maître d’ouvrage ministère des PTT
  • Architecte Michel Roux Spitz
  • Projet 1930
  • Réalisation 1936
LE PATIO DES CARMES
  • Maître d’ouvrage : SCI CV Le Patio des Carmes  (Gibert Immobilier)
  • Architecte  Philipe Boudignon
  • Projet 2012
  • Réalisation 2015
  • Charpente bois : Charpentiers Casadéens

À voir/ À lire

  • « Michel Roux-Spitz, architecte, 1888-1957» par M. Raynaud, D. Laroque et S. Rémy , Mardaga, 1995
  • Fonds Roux-Pitz, site des archives de la Cité de l’architecture et du patrimoine : http://archiwebture.citechaillot.fr
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