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Gare, Néris-les-Bains (Allier)

> Descriptif opération


Pour que les curistes puissent parvenir en train jusqu’à Néris-les-Bains, la ligne de chemin de fer Paris-Montluçon est prolongée jusqu’à la station thermale en 1931, vingt ans après l’adoption de son tracé. La même année est inaugurée l’imposante gare dont l’exploitant de la ligne, la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans, a confié la conception à son propre architecte, Louis Brachet (1877-1968). Désaffectée quarante ans plus tard, elle est rachetée par la Ville qui maintient les logements initialement créés pour les employés de la compagnie Paris-Orléans et y implante des activités associatives. Puis, au début du XXIe siècle, elle devient un ensemble multifonctions où peuvent coexister expositions, réunions et célébrations. Une telle évolution nécessite la restauration de la toiture, mission confiée à l’architecte Anne de Kergrohenn, puis la rénovation des espaces intérieurs et la conception d’une double extension signées par son confrère Nicolas C. Guillot.

Dans une succession d’oppositions intéressantes de masses, de matières et de styles, l’ensemble désormais baptisé « Le Pavillon du Lac » associe une gare de style éclectique, édifiée en pierre au XXe siècle, et deux volumes contemporains en métal et en verre construits au XXIe siècle à partir d’une réinterprétation de deux des typologies les plus emblématiques de l’architecture thermale du XIXe siècle et notamment de celle de sa célèbre voisine, Vichy : la galerie et la buvette.

Caractéristique de l’existant

Auteur des gares « Cité universitaire », « Gentilly » et « Massy-Palaiseau », les plus modernistes de la ligne de Sceaux (l’actuelle ligne B sud du RER francilien), Louis Brachet signe celle de Néris-les-Bains. Il conçoit un édifice habilement ostentatoire et adroitement sage reflétant le goût usuel des familles célèbres qui fréquentent les thermes de Néris-les-Bains, dont celle des présidents de la République. Côté ville, ses quatre volumes principaux dissymétriques sont visuellement organisés pour en offrir huit au regard de façon à monumentaliser la masse bâtie. La mise en œuvre de plusieurs matériaux impose la perception d’un ensemble bigarré dont l’esthétique juxtapose d’apaisantes révérences régionalistes à de sages références Art déco. D’amples toitures aux tuiles vernissées protègent de solides murs de pierre. Frontons et encadrements de fenêtres en granit monochrome de Treignat, frises décoratives en céramiques de teintes vives et auvent en béton contrastent ainsi par leur géométrie, leur texture et leur coloris au sein d’un ensemble dominé par le grès rose de Montvicq aux nuances mêlées de jaune et de rouge. Plus sobrement, côté voie, une galerie rectiligne aux piliers en fonte protégeait les visiteurs et rétablissait l’image de la gare dans l’univers ferroviaire usuel.

Ainsi conçue, cette gare survit au déclin d’une ligne ferroviaire trop tardivement réalisée et suspendue pendant la Seconde Guerre mondiale : le service des voyageurs, maintenu exclusivement pendant l’été à partir de 1945, est définitivement arrêté en 1957, celui des marchandises en 1969, si bien que les rails sont déposés en 1974. Sans doute pour prévenir toute tentation de destruction, la gare est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH) l’année suivante. Cette mesure de protection précède nationalement le coup de projecteur sur l’ensemble du patrimoine architectural lié au transport ferroviaire donné en 1979 par l’exposition du Centre Georges Pompidou, « Le temps des gares » et, localement, la protection du casino et des thermes, intervenue en 1994.

Procédure

L’année de son inscription à l’ISMH (1975), la gare est acquise par la commune qui opte pour une solution de reconversion relativement originale pour l’époque. Au rez-de-chaussée, celle-ci aménage des locaux associatifs et divers espaces nécessaires aux activités festives et sportives tout en conservant, à l’étage, les logements existants.

Au début des années 2000, une nouvelle ambition se dessine afin de renforcer la capacité de l’espace à accueillir diverses manifestations. La toiture, qui avait fait l’objet d’une réfection complète en 1975, est entièrement restaurée en 2005 sous la direction de l’architecte Anne de Kergrohenn, de sorte que le bâtiment soit réellement mis hors d’eau. Peu après, le hall central de la gare (150 m2) est restructuré et ses détails architecturaux 1930 valorisés afin d’offrir un espace polyvalent attractif pour des cocktails, des événements familiaux, des expositions et des réunions (actuel espace Ganesco). Une seconde salle de 134 m2 est aménagée et pourvue d’une scène modulaire et d’un dispositif vidéo adapté aux réunions, aux séminaires ou aux petites conventions (salle Louis Brachet). Simultanément, un espace traiteur est mis à la disposition des utilisateurs de ces deux salles mais surtout pour servir l’ambition réelle du projet : édifier une salle multifonctions sous forme d’une extension de près de 400 m2 (La Coupole) glissée entre le volume de la gare et une brusque déclivité dominant le site dit du lac. L’articulation entre les deux édifices est réalisée au moyen d’une longue galerie vitrée. Cette dernière et la salle multifonctions se référent à deux des archétypes architecturaux des stations thermales édifiées au XIXe siècle, la promenade couverte qui s’étirait le long des bâtiments ou les mettait en relation les uns avec les autres et la buvette (ou pavillon) qui privilégiait une forme arrondie de sorte que les curistes puissent faire cercle autour de la source dispensatrice des eaux bienfaisantes.

Interventions

Pour réaliser ces deux volumes, l’architecte établit une rupture avec l’esprit de la gare. À la lourdeur, Nicolas C. Guillot  oppose la légèreté du verre combiné au métal. Face à une masse épaisse, il choisit la transparence de volumes vitrés. Contre une verticalité chahutée, il dessine deux espaces horizontaux assagis. Au pied d’un édifice chamarré, il prend le parti de constructions monochromes. À un plan axé calé sur la ligne droite des rails, il accole un volume tampon étiré, articulé à une forme ovoïde ouverte à 360° sur son environnement. À l’absolue minéralité d’un bâtiment public pris entre asphalte de la cour d’arrivée et le ballast de la voie ferrée, il répond par une double réalisation en osmose avec le  paysage végétal environnant : le vallon, de face, ou la perspective des traces mémorielles des anciennes voies ferrées, latéralement.

Néanmoins, dans la salle polyvalente qui constitue le cœur du nouvel ensemble l’architecte évite que cette transparence devienne obsessionnelle. Pour cela, il joue sur le degré d’alternance des pleins et des vides disposés sur la périphérie de la salle. Côté galerie et côté gare dominent les parties pleines constituées par des éléments qui participent à la structure de l’édifice, intègrent la circulation des fluides et contribuent, de même que le plafond, à la correction acoustique de la salle. Côté vallon, les vides deviennent majoritaires, de sorte que les ossatures verticales espacées se mêlent aux arbres avoisinants pour conforter le paysage de sous-bois ressenti aux abords de la pente.

Espace tampon acoustique et thermique entre l’intérieur et l’extérieur, la galerie vitrée commande toutes les composantes du programme et fluidifie l’ensemble des fonctions : élément spatial de séparation, elle permet à des activités distinctes de se dérouler simultanément ; notamment parce que les espaces de services peuvent, par son intermédiaire, être affectés au même moment aux utilisateurs de différentes salles.

La polyvalence de la grande salle multifonctions est gérée par la mobilité en inclinaison et en niveau de son sol, la scène (90 m2) étant réglable en surface et en hauteur grâce à un système de praticables qui s’estompent au niveau du sol, ceux-ci comme les sièges étant stockés sous la salle.

En évitant le piège du mimétisme et celui de l’opposition à tout prix aux formes existantes, en tenant compte de l’histoire thermale de Néris-les-Bains et en s’inspirant d’exemples récents de pavillons édifiés notamment au Royaume-Uni, le concepteur transforme ce projet modeste en dimensions en un édifice d’un grand intérêt. Il appartient à l’exploitant de le faire vivre au rythme accéléré lui permettant de trouver sa place dans la vie événementielle ou quotidienne de la cité, vraisemblablement en se confrontant à quelques unes des questions de positionnement soulevées à Saint-Jean-en-Royans (cf. l’entrée «Rénover » de ce site).

GARE D’ORIGINE
  • Architecte : Louis Brachet (1931)
  • Maître d’ouvrage : Compagnie du chemin de fer Paris-Orléans (1931)
EXTENSION DU PAVILLON DU LAC
  • Maître d’ouvrage : Ville de Néris-les-Bains
  • Architecte : Nicolas C. Guillot
  • Bureau d’étude technique bois : Teckicea
  • Entreprise charpente bois : Étienne Lazaro Sarl
Ancienne gare
  • Espace Ganesco, 150 m2, capacité 100 personnes
  • Salle Lous Brachet 134 m2, capacité 100 personnes
  • Espace traiteur
  • Sanitaires
Extension
  • Galerie vitrée
  • La Coupole, 364 m2 capacité 300 personnes debout, 180 assises, 300 places en conférence.
À voir/À lire
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