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Centre de vacances – CCAS, Pleaux (Cantal)

> Descriptif opération


La France de l’immédiat après-guerre est déjà vorace en énergie électrique, indispensable à ses entreprises, à ses villes, à ses équipements collectifs, à ses logements, et à ses ménages qui s’équipent d’appareils électroménagers.

L’État charge donc Électricité de France de la réalisation de nombreux barrages, certains devenant célèbres, tels ceux de Tignes, de Génissiat, de Serre-Ponçon et de Roselend, mais demeurant méconnus ou inconnus dans leur grande majorité. Parmi ces derniers, celui d’Enchanet barre la gorge de la Maronne, au nord-ouest d’Aurillac, pour constituer une retenue de plus de 90 millions de mètres cubes et créer une capacité de production de 30 mégawatts.

À quelques kilomètres du chantier, en lisière du village de Pleaux, est édifiée la cité destinée à héberger le millier d’ouvriers qui construisent la voute de béton et installent les équipements techniques.

Véritable village neuf à côté du village ancestral, la cité EDF dite de La Boudie, comporte plus de soixante-dix constructions de dimensions variées évoquant, par leurs formes et leurs matériaux (les fibres, les planches, les tôles), les baraquements de la Reconstruction qui perdurent dans certaines grandes villes jusqu’au début des années 1960. Elles sont réparties dans un vaste site à connotation rurale. Équipements, logements, foyer… sont organisés en huit grands sous-ensembles : la structure spatiale des évolutions ultérieures figure déjà dans ce plan-masse.

Les ouvriers partis, les bâtiments demeurent. Ils accueillent une colonie de vacances. Puis, il est projeté de les reconvertir en village de vacances. Ils seront finalement détruits en plusieurs phases. Les constructions neuves qui les remplaceront répondront aux différentes fonctions des loisirs et distingueront, par grandes zones d’implantation, activités collectives, bungalows, colonie de vacances, camping, logements de fonction.

Descriptif de l’opération

De l’achèvement de la construction du barrage aux premières réflexions sur une reconstruction du site de 14 hectares, la cité ouvrière initiale devient une colonie de vacances pour les enfants des employés d’EDF et de GDF. Toutefois, ce changement d’utilisation se glisse dans les baraquements existants. Après des études, conduites en 1966, de réaménagements de chacune des constructions initiales, il est décidé en 1967 d’ouvrir « la maison familiale » de Pleaux en attendant sa reconstruction.

Les premiers signes conséquents d’une transformation des conditions d’accueil apparaissent en 1968 (foyer) et 1970 (restaurant). Ils s’articulent avec l’étude d’une piscine et des pataugeoires pour enfants, au dessin très géométrique, implantées au cœur du site. Elles sont dominées par un restaurant, un long bâtiment à la façade entièrement vitrée et dont la fine structure métallique se prolonge ponctuellement pour créer des espaces extérieurs susceptibles d’être protégés des ardeurs du soleil. Le foyer, dont la charpente en bois de forme hyperboloïdique constitue un véritable signal de ralliement, lui fait face. Cet ensemble est placé en surélévation par rapport au niveau naturel du site et ces constructions sont reliées entre elles et à la piscine par un sol pavé, formant les prémices d’une grande agora, comme on aimait en concevoir dans la mouvance de Mai 68.

Des photos aériennes permettent de suivre la progression des travaux suivants. La moitié des baraquements existants est rasée en 1975/1976 pour laisser place à cinq groupements de bungalows totalisant 220 logements, certains pouvant être réunis pour constituer des maisons familiales plus spacieuses.  Cette caractéristique explique que la capacité d’accueil du CCAS puisse varier de 584 à 804 résidents. Initialement disposés selon un axe est-ouest de part et d’autre du cœur du village de vacances, ces « îlots » gagneront le sud de ce centre de gravité, la limite séparative réglementaire des trois mètres imposant de repenser la disposition des éléments situés le long de la route reliant Pleaux à Aurillac. Ils seront ouverts en trois vagues en 1975, 1976 et 1977. Cette même année 1977, le pôle restauration, l’infirmerie et les trois dortoirs collectifs de la colonie de vacances entrent en fonction. S’y associe la reconversion d’un tanker, haut perché sur une structure métallique, en signal ceinturé par des ateliers. Ensuite, seront construits le bâtiment d’accueil et d’administration qui s’adosse aux structures surélevées initiales, son toit-terrasse parcourable accroissant la superficie déjà conséquente de l’agora, et un immeuble de logements collectifs pour les personnels saisonniers travaillant sur le site. Placé entre camp et camping, le dernier élément réalisé sera l’imposante salle polyvalente, de 47 x 22 m, proposant 400 places assises. Cette carapace d’écaille, de bitume, portée par de grandes poutres en bois lamellé-collé à la géométrie accentuée. Elle est précédée par trois locaux d’activités et un bloc sanitaire, traités sous forme de volumes bas, fragmentés, revêtus de carreaux de céramique, dont l’ordonnancement évoque certains plans du célèbre architecte finlandais d’Alvar Aalto.

Caractéristiques de l’existant

Un demi-siècle après sa réalisation, cet équipement de loisirs correctement entretenu constitue un exemple probant de la maîtrise d’œuvre exercée par des comités centraux d’entreprises et par des organismes tels que le CCAS. Il atteste également, par son unité architecturale, de la qualité du travail de l’agence Faye et Tournaire, tant en termes d’intentions urbaines que de proposition d’éléments architecturaux remarquablement dessinés et exécutés.

Ces qualités font que ce Centre se distingue, bien qu’il soit implanté sur un site qui ne domine pas un lac naturel ou un plan d’eau artificiel, ne se love pas dans le méandre d’une rivière, ne se tapit pas au cœur d’une forêt, ne s’accroche pas sur des pentes abruptes pour s’ouvrir sur un panorama époustouflant…

L’ampleur du terrain a favorisé l’adroite répartition des trois fonctions majeures (équipements et ensembles résidentiels, colonie de vacances, camping), de sorte qu’elles n’interfèrent pas les unes avec les autres, tout en trouvant des usages partagés dont la grande salle des fêtes et la piscine, dotées chacune de leur propre personnalité. L’ambiance est contemporaine et « loisirs » pour les hébergements en bungalows avec leurs toits terrasses et leurs avancées latérales de maçonnerie protégeant les terrasses individuelles des vues latérales directes, leur placette intérieure au pourtour irrégulier, leur développement à rez-de-chaussée, simplement ponctuée par le point haut de quelques logements à l’étage, le relèvement de la toiture et l’angle vitré d’un local d’activités et la forme géométrique résolue du local étendage prolongeant la laverie…

L’image des différents bâtiments de la colonie de vacances évoque les camps de trappeurs de l’Amérique du Nord, avec leurs grandes toitures de teinte foncée (« pour respecter l’arrêté préfectoral du 17 février 1970 »), portées par de belles charpentes bois. La dimension très cinématographique apportée par la récupération de tanker et son habillage façon hacienda, complète le rattachement à l’imagerie nord-américaine. De discrètes citations de l’art de bâtir de Frank Lloyd Wright complètent ce registre d’inspiration. Le camping, ponctué par ses édicules de service et des écrans végétaux, apparait plus classique, même s’il est paysagé avec soin.  C’est bien l’organisation spatiale des éléments construits et leurs architectures qui constituent l’attractivité des lieux.

Procédure

La rationalisation de la construction qui a conduit à la répétition du module de base, les bungalows, et des dortoirs de la colonie ne constitue pas un facteur d’appauvrissement de l’ambiance perçue mais fonctionne au contraire comme l’élément d’une personnalisation distinctive par une architecture soignée dans sa conception comme dans son exécution.

Le jeu sur les matériaux, contraint par l’interdiction préfectorale de laisser apparents d’éventuels éléments préfabriqués, valorise les maçonneries enduites, le métal, le bois et les couvertures en shingle façon ardoise. Il conduit à différencier non seulement des ambiances mais surtout des volumétries, moyen par lequel les architectes expriment leur savoir-faire, leur plaisir et leur maîtrise des grands pans de toiture, les charpentes simples mais imposantes (restaurant, avec plot central circulaire de cuisson, de la partie colonie de vacances, salle des fêtes) ou remarquable (foyer du pôle central). De l’individualité au collectif et à l’agora, les échelles sont ici réellement maîtrisées et rendues perceptibles. La compétence de l’agence se mesure au fait que l’essentiel des études sont conduites en seulement trois ans (de 1974 à 1976).

Interventions

Les interventions très ponctuelles réalisées n’ont pas modifié l’esprit initial des intentions des architectes. Elles ont porté sur la création de protections dans  certaines circulations extérieures, le remplacement de menuiseries bois par des menuiseries aluminium, le recarossage de la cage de l’unique ascenseur, l’évolution de la piscine vers l’aqualudique et la réorganisation intérieure du restaurant en self-service.

Les voyages lointains, le fractionnement des congés au profit d’autres périodes que l’été, la mutation des goûts du public vers le ludique et l’évolution des modalités de financements des structures à vocation sociale des entreprises, ont profondément modifié le contexte d’exploitation de ce type de structure.

La gestion d’un tel ensemble de construction en termes de coût d’entretien et de fonctionnement rapportés aux éléments attractifs de son environnement semble délicate sur le long terme. Les investissements à réaliser, notamment pour la mise aux normes thermiques, paraissent très conséquents. Même si des partenariats avec le village voisin semblent envisageables (et souhaités), la rentabilité et donc la survie du CCAS ne sont sans doute pas assurées. La qualité des lieux incite toutefois à souhaiter que l’imagination permettent de trouver les solutions appropriées.

 

En savoir plus :

La longue file, Roger Bordier, 1984, Éditions Messidor, ouvrage publié à l’occasion du 20ème anniversaire de la création de la CCAS EDF-GDF.

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